Un papier peint de Joseph Dufour, l'un des plus grands manufacturiers de papier peint du XIXe siècle, se trouve actuellement au chevet de notre atelier de restauration.
Pendant plusieurs décennies, le célèbre panorama Les Portiques d’Athènes de Joseph Dufour, l’un des plus illustres manufacturiers de papier peint du XIXe siècle, a occupé les salles de notre musée, suscitant l’enthousiasme du public.
Composé à l’origine de 10 panneaux, le papier peint avait déjà fait l’objet d’une restauration majeure au début des années 1990, après laquelle chaque lé avait été monté sur un panneau en contreplaqué pour faciliter la manipulation et l’accrochage au mur. Au cours des dernières années, deux des quatre panneaux exposés au musée ont commencé malheureusement à présenter de nouveaux signes de détérioration (tensions superficielles, déformations, déchirures, altérations chromatiques).
L’équipe du musée étant toujours attentive à la préservation de ses oeuvres, il a donc fallu prendre la décision de les retirer, afin de procéder à une nouvelle restauration et de rétablir leur stabilité.
Le 10 novembre 2023, les deux panneaux en question ont donc été soigneusement retirés du mur, emballés et transportés dans l’atelier de restauration.
Évaluation de l'état de conservation et but de la restauration
Contrairement à l’état actuel, les photographies prises après la restauration dans les années 1990 montrent que les lès se présentaient plans et que le ciel avait une coloration uniforme. Malheureusement, l’exposition prolongée, la nature hygroscopique du papier qui réagit aux fluctuations atmosphériques et au contact avec des supports acides, comme aussi l’altération des matériaux utilisés lors de la restauration précédente, ont provoqué de nouveaux dégâts: actuellement le papier est très gondolé, il y a des déchirures en correspondance des anciennes réparations et les couleurs utilisées pour les retouches (gouaches) ont visiblement changé d’aspect.
En plus, le panneau de montage en contreplaqué utilisé comme support d’exposition, outre le fait qu’il n’est pas adapté à une conservation à longue terme, est beaucoup plus grand que le panneau correspondant. De cette façon, les bords du doublage de restauration sont visibles et il n’y a pas de continuité visuelle entre un panneau et l’autre. Afin de rétablir la stabilité physique et structurelle de l’oeuvre, tout en respectant son historicité matérielle, le but principal de la restauration sera donc d’éliminer tous les éléments de détérioration ou d’altération visuelle et de mettre en place un nouveau système de montage plus stable, de format correct et plus conforme à l’originalité de l’oeuvre, conçue comme un paysage continu.
L’importance des analyses préalables
Pour une analyse approfondie de l’œuvre, nous avons d’abord procédé à un examen photographique et technique. La photographie UV nous offre des informations sur le support, les media et les pigments. Elle permet d’identifier des zones retouchées ou avec la présence de vernis, mais aussi la présence d’altérations biologiques. La photographie IR détecte les informations visuellement incohérentes ou les parties invisibles, les sous-peintures, les sous-dessins, les inscriptions obscurcies ou illisibles.
Une autre phase de notre recherche avant la restauration, consistait aussi dans le prélèvement d’échantillons de couche picturale et dans leur analyse stratigraphique au microscope binoculaire, afin de recueillir des informations sur la composition des pigments utilisés dans la fabrication du papier peint et sur sa technique de production.
Le vert de Scheele, une vraie plaie!
L’identification des pigments, par exemple, peut fournir des informations importantes sur la faisabilité de certaines opérations, d’autant plus que les couleurs utilisées dans le passé peuvent s’avérer toxiques pour la santé de l’opérateur. Tel est le cas par exemple du vert de Scheele, une couleur introduite dans le commerce vers la fin du XVIIIe-début XIXe (dont l’utilisation allait de la production de papier peint aux cosmétiques, aux jouets, aux vêtements) qui peut dégager des vapeurs très toxiques en lui apportant de l’humidité (comme dans le cas p.ex. d’une restauration par voie humide).
Comme l’analyse stratigraphique nécessite le prélèvement d’échantillons afin d’éviter tout endommagement de l’oeuvre, il est très important que ces derniers soient de taille très petite (échantillon de la taille d’une tête d’épingle) et prélevés dans des zones cachées et en correspondance des fissures ou des fractures dans la couche picturale. Ces prélèvements ont lieu au scalpel, principalement en correspondance des zones bleues et vertes (le ciel, le feuillage et les vêtements) et, à l’aide d’une résine époxydique, inclus entre deux cubes de plexiglas.
Afin de pouvoir analyser la couleur, l’aspect et la succession des
couches dans la tranche de l’échantillon, le plexiglas a été poli
transversalement pour obtenir une surface lisse. Les coupes ainsi
préparées ont été examinées au microscope optique. Heureusement, après
analyse au microscope binoculaire, nous n’avons pas identifié des
particules ressemblantes au vert de Scheele, mais des recherches
supplémentaires seront nécessaires.
En attendant, des
protocoles sanitaires ont été déjà mis en place pour pouvoir commencer
les premières opérations de restauration en toute sécurité:
dépoussiérage, nettoyage superficiel et dédoublage du papier utilisé
lors de la dernière restauration. Des étapes qui permettent d’éliminer
les premiers éléments de dégât et de rétablir une certaine planéité.
Une
fois les analyses scientifiques conclues, il sera possible d’évaluer si
des traitements humides seront envisageables et, le cas échéant, de
consolider les zones fragiles, de réparer les déchirures et de retoucher
les zones altérées. Ce qui semble certain, c’est que la restauration
prendra beaucoup de temps et que de nouveaux défis et problèmes sont
susceptibles de se présenter à nous au cours de cette opération.
Auteur: Francesca Vantellini - Images: Éric Chenal
Source: MuseoMag N°III 2024