Depuis l’exposition Gast Michels, le Nationalmusée um Fëschmaart propose une formule de visite guidée intitulée Through the lens of… et dont la particularité est d’être confiée à des artistes du Luxembourg. L’idée est de faire partager le regard d’un créateur sur une exposition actuellement à l’affiche dans notre musée. Pour l’exposition Inspired by Steichen, la formule connaît quatre déclinaisons. Nous avons suivi les expériences de Pit Molling qui, fort d’une visite pour l’exposition Gast Michels, s’y est livré en guide «averti» ainsi que de Florence Hoffmann, novice en la matière: «J’ai accepté l’invitation comme un honneur mais aussi un véritable challenge: j’y voyais une opportunité de sortir de ma zone de confort et de me familiariser avec l’univers d’artistes dont j’ignorais presque tout.»

Dimanche 26 février. La visite inaugurale de Florence Hoffmann affiche plus que complet: ils sont près de trente à avoir trouvé le chemin du musée. L’artiste, elle, est venue plus qu’outillée: sur un chariot trônent des moules, des masques, des sculptures, des fiches, une lampe et… des lapins en chocolat. «J’ai beaucoup réfléchi sur l’accent à donner à ma visite et les éléments à partager. Je me suis documentée pour illustrer certains points et j’ai sélectionné dans mon atelier un ensemble de moules, oeuvres, outils et matériaux dans le but d’illustrer certains aspects techniques qui conditionnent inévitablement la création d’une œuvre en trois dimensions», nous confiera-t-elle en amont.

Visiteurs montant dans un ascenseur

Arrivée du groupe pour la visite Through the lens of... par Pit Molling

Autre point qu’elle a minutieusement calculé: la cadence de sa visite. «J’ai voulu un parcours composé de rythmes, d’arrêts, de respirations…». Et en effet, après une introduction très didactique sur le parcours et l’approche des trois artistes convoqués dans Inspired by Steichen, elle invite les visiteurs à effectuer seuls un premier tour dans l’exposition puis de revenir vers elle pour annoter leur impression en quelques mots clé sur un bout de papier. Un autre niveau de discussion, plus interactif, s’engage alors avec l’assistance: la visite commentée dans les salles peut commencer, avec sans surprise deux arrêts devant les sculptures de Hans op de Beeck.

Avant de porter un coup de projecteur sur celles-ci, elle insiste sur l’artiste invisible que tout projet d’exposition convoque, à savoir son commissaire (en l’occurrence, ici: Ruud Priem). Ensuite, munie d’un projecteur de chantier qu’elle branche sur une prise au sol et dirige de manière très crue sur The Cliff, elle éclaire l’importance de l’agencement lumineux dans les choix scénographiques. Plus loin, elle évoque les considérations d’accrochage qui influent sur le choix des matériaux et la production, ou encore l’opération méticuleuse que requiert un travail de montage pour créer un effet d’unité, voire illusionniste. La perspective très pratique adoptée pour cette séance se traduit même lors de sa clôture puisque la sculptrice «sacrifie» plusieurs lapins en chocolat pour donner à goûter la technique du moulage à creux et l’imperfection des raccords... pour le plus grand bonheur du public.

L'artiste Pit Molling conduisant un groupe de visiteurs à travers l'exposition Inspired by Steichen

L’artiste plasticien Pit Molling conduit un petit groupe de visiteurs en posant un regard très personnel sur une exposition qu’il juge «complexe et polyphonique à plusieurs égards».

Pit Molling, notre candidat du 9 mars, se livre pour la deuxième fois à cet exercice: «Plonger dans l’exposition Gast Michels, dont le processus de travail est très spontané et en partie composé d’expérimentations digitales, était pour moi une évidence. Pour cette exposition-ci, je me suis senti moins interpellé mais tout de même intrigué…».

L’artiste plasticien conduit un petit groupe de visiteurs en posant un regard très personnel sur une exposition qu’il juge «complexe et polyphonique à plusieurs égards». D’emblée, il souligne les spectaculaires interactions entre les trois univers artistiques mais aussi les «antagonismes à l’œuvre», notamment dans la plupart des images d’Erwin Olaf . Il insiste sur les rapports entre la nature telle qu’elle est et les personnages convoqués ou encore entre un effet pictorialiste et un support digital. Le public acquiesce et scrute les clichés du photographe néerlandais. Pit Molling insiste sur la méticuleuse mise en scène qu’a requise la narration traduite par les clichés et pour lesquels l’artiste «a dû littéralement arrêter le temps». Les visiteurs regardent encore de plus près, engagent la conversation avec leur guide et ainsi stimulés, s’abandonnent à une contemplation éveillée.

Une dame observant une photo.

Une dame se penchant au-dessus de la photographie Am Wasserfall, tirée de la série Im Wald d'Erwin Olaf.

Florence a été particulièrement portée par les puissantes aquarelles de Hans op de Beeck: «C’est un art qu’il maîtrise incontestablement. Nocturnal Sea, mon favori, permet d’éprouver indoor ce que l’on peut ressentir face à une mer d’huile: apaisement, tranquillité, contemplation, infini. Paix.»

À l’issue de leur visite, l’un comme l’autre se disent ravis d’avoir partagé leur perception avec le public mais aussi très reconnaissants de l’échange nourricier qui s’en est suivi: «C’est une formule qui permet des découvertes dans un sens comme dans l’autre», assure la sculptrice.

Texte: Sonia da Silva / Images: Éric Chenal

Fin de la visite par Pit Molling

Fin de la visite par Pit Molling devant la sculpture My bed a raft, the room the sea, and then I laughed some gloom in me de Hans op de Beeck

Pit Molling lors de la visite

Florence Hoffmann participant à la visite.

Dans la salle Inspired by Steichen

Dans la salle Inspired by Steichen

Pit Molling lors de la visite

Groupe de visiteurs devant une oeuvre de Steichen.

Porter un regard autre, oblique et intime, grâce à la lecture d'un artiste ou expert.

Un visiteur dans la salle Inspired by Steichen

Pit Molling lors de la visite

Visiteurs déambulant dans la salle

Pit Molling lors de la visite