Depuis le 1er juin, Yasmina Zian a rejoint l’équipe du MNAHA. Employée par l’Université du Luxembourg, sa mission consiste à écrire un rapport préliminaire aux recherches de provenance qui auront lieu dans la seconde phase du projet PROVILUX.

PROVILUX est un projet initié dans le cadre de l’Accord du 27 janvier 2021 signé entre le gouvernement du Luxembourg et le Consistoire israélite du Luxembourg. L’objectif de cet accord est d’aborder les spoliations de biens juifs1 à des fins réparatrices et son article 7.4 s’interroge sur les collections nationales acquises dans le contexte de la Deuxième Guerre mondiale. C’est pourquoi, en juin dernier, trois chercheurs post-doctorants – Yasmina Zian, Marc Adam Kolakowski et Anna Jagos – ont été engagés par l’Université du Luxembourg pour travailler respectivement sur les collections du MNAHA, de la Bibliothèque nationale et des Deux Musées de la Ville de Luxembourg. Villa Vauban – Musée d’art de la Ville de Luxembourg.

Déjà en 2009, des chercheurs, mandatés par le gouvernement, rendaient publics les résultats de leur mission sur la question des spoliations des biens juifs au Luxembourg. Quelques années plus tard, la question du judéocide et celle de la collaboration luxembourgeoise revenaient sur le devant de la scène avec le rapport dit Artuso.

Vers plus d‘accès aux archives

Ces recherches ont peu étudié les collections nationales, mais elles rappellent les mesures d’aprèsguerre mises en place en vue de dédommager les victimes des spoliations. En effet, après la guerre, le gouvernement luxembourgeois organise des systèmes de dédommagement qui aujourd’hui nous paraissent peu convaincants: seules étaient autorisées à déposer une demande de dédommagement les personnes de nationalité luxembourgeoise. Cette condition était contraignante et revêtait un caractère excluant: sur 3.900 Juifs vivant au Luxembourg (selon certaines estimations) en 1940, près de 3.000 d’entre eux n’avaient pas la nationalité luxembourgeoise.

À cela, il faut ajouter les personnes qui, entretemps décédées, n’ont pour cause jamais pu déposer de dossier de dédommagement. Pour rappel, parmi les 3.900 personnes vivant au Luxembourg en 1940, 3.049 ont fui le pays avant la première déportation, 42 sont mortes au Luxembourg au cours de la guerre et sur les 816 personnes restantes, 139 sont restées au Luxembourg tandis que 677 ont été déportées. Parmi ces dernières, seules 53 personnes ont survécu aux camps.

Parallèlement aux mesures de dédommagement, l’Organisation de Récupération économique (ORE), basée à Bruxelles, avait pour mission de restituer les oeuvres d’art spoliées par les nazis. Cette fois, il ne s’agissait pas uniquement des oeuvres spoliées aux Juifs, mais bien à toute personne. Fait intéressant: Georges Schmitt, conservateur adjoint au Musée, était chargé, après la guerre, de faire le relais entre les personnes spoliées et l’ORE. L’Organisation à Bruxelles est elle-même un intermédiaire: elle représente les gouvernements belge et luxembourgeois auprès des Monuments Men2. Ainsi une correspondance très intéressante se retrouve dans les archives du MNAHA, où l’on découvre les démarches entreprises par Georges Schmitt pour rapatrier les armes de la Grande-Duchesse ou encore les collections privées de Joseph Bech. Aucune archive n’atteste qu’il a également servi d’intermédiaire pour des familles juives.

Il y a déjà eu des études sur la question de la provenance de certains objets du MNAHA qui auraient pu être issus de spoliations. Le directeur, Michel Polfer, a publié sur la question. De cette manière, cette recherche de provenance s’inscrit dans une pratique plus ancienne au sein du MNAHA. Pour conclure, soulignons une autre avancée: Edurne Kugeler, archiviste du MNAHA, a réalisé un inventaire des archives sur la Deuxième Guerre mondiale conservées au musée. Ce travail essentiel facilite les recherches de provenances, et de manière générale, la recherche historique sur cette page sombre de l’Histoire.

Texte: Yasmina Zian / Images: Eric Chenal