Le 28 juillet prochain, une rétrospective d’envergure dédiée aux peintres actifs au cours du siècle des Lumières dans le duché de Luxembourg ouvrira ses portes au Marché-aux-Poissons. Les résultats scientifiques qui la sous-tendent sont issus des recherches que j’ai menées dans le cadre de ma thèse de doctorat en histoire de l’art soutenue le 30 janvier 2023 à l’Université de Louvain-la-Neuve.

L’idée de cette exposition a émergé en juin 2018 lors de ma première rencontre avec Michel Polfer, le directeur de l’institut culturel MNAHA. À l’époque, j’étais encore dans la phase heuristique de mon travail doctoral, il s’agissait de découvrir et d’étudier les tableaux d’Ancien Régime et de provenance luxembourgeoise appartenant au musée. Au fil des mois et de l’avancement des discussions, le projet oscillant entre art et histoire commença à se mettre véritablement en place.

Carte postale de l'atelier de peinture à Orval

Vue sur l'ancien atelier de peinture de frère Abraham à Orval. Carte postale, 9x14 cm, éditée à Arlon en 1908 par Victor Caën, coll. abbaye d'Orval, Fonds frère Abraham.

La thématique à traiter représente une première dans l’historiographie luxembourgeoise. En effet, la littérature était fort lacunaire, les sources plutôt rares, les bases de données peu parlantes et les œuvres répertoriées mal connues ou parfois attribuées d’une manière erronée. Grâce aux dépouillements réalisés patiemment dans les fonds multiples des archives de la Grande Région (nationales, diocésaines et départementales) et au long repérage des œuvres picturales sur le terrain (églises, musées, châteaux et collections privées), il est maintenant possible de proposer au grand public une vue d’ensemble de cette histoire peu connue qu’est la peinture luxembourgeoise du XVIII e siècle.

Concrètement, cette rétrospective que l’on peut qualifier de transnationale a un double objectif: d’une part, rendre compte de la manière dont vivaient les peintres au duché de Luxembourg sous l’Ancien Régime et d’autre part, donner à voir des tableaux emblématiques de l’époque réalisés par une dizaine de maîtres actifs au Luxembourg. Documents d’archives et oeuvres venant de France, de Belgique et du Luxembourg permettront aux visiteurs de se faire une idée des conditions de vie et de la production de ces peintres de province. Les documents retenus seront de différents types: diplômes, mémoires, livres imprimés, carnets de croquis, quittances, registres de comptes, inventaires, testaments, contrats d’apprentissage, de bail et de travail. En outre, les visiteurs pourront s’arrêter devant des tableaux à sujets religieux et mythologiques, mais aussi devant des portraits, allégories, natures mortes et paysages.

Allégorie de la Peinture frère Philippe

Jean-Pierre Mathaei dit frère Philippe (Koerich, 1703 - Echternach, 1763), Allégorie de la Peinture, d'après Sébastien Le Clerc II (Paris, 1676-1763), milieu du XVIIIe siècle, toile, 99,5x105 cm, Echternach, Lycée classique.

L’exposition présentera le cadre de vie des peintres luxembourgeois du XVIIIe siècle et les lieux de leur formation dans et en dehors du duché, de même le profil socioprofessionnel des peintres et leur situation financière. Le visiteur pourra également se familiariser avec leur production, qu’il s’agisse de commandes institutionnelles ou privées. Il découvrira aussi les thèmes de prédilection commandés par le clergé pour embellir les abbayes et les églises luxembourgeoises. Par ailleurs, il trouvera à côté de certaines oeuvres des fac-similés de modèles gravés afin de montrer le processus créatif des peintres qui ont le plus souvent copié, mélangé ou réinterprété des compositions conçues par les grands maîtres de la peinture.

Pour terminer, signalons que le musée proposera à la vente une publication reprenant ma dissertation doctorale qui est à l’origine du projet d’exposition à la place d’un catalogue classique.

Texte: Henri Carême, commissaire scientifique de l’exposition / Images: Henri Carême / abbaye d'Orval