En mai 2023, le Lëtzebuerger Konschtarchiv a accueilli les premières archives provenant de l’artiste Théo Kerg (1909-1993) : il contient environ 20 mètres linéaires de documents, dont plus de 10.000 photographies, 2.400 lettres, 148 heures de vidéo et 114 affiches d’exposition.
L’inventaire et le classement de ce fonds ont nécessité plusieurs mois de travail. Après un travail intensif de numérisation de ces archives, l’équipe du Lëtzebuerger Konschtarchiv a pu reproduire 45.046 images afin d’assurer une communication optimale du fonds. Mais que trouve-t-on dans ces archives ?
Le fonds de Théo Kerg contient tout d’abord une collection importante de lettres échangées entre l’artiste et divers acteurs du milieu artistique, qu’il s’agisse d’institutions (galeries, musées, maisons d’éditions...) ou de personnes (écrivains, artistes, collectionneurs...). Les quelque 2.400 lettres conservées dans le fonds témoignent des relations professionnelles de l’artiste dans les nombreux pays où il a exercé ou exposé, comme la France, l’Allemagne, le Luxembourg, l’Italie, la Belgique, les États-Unis... En tout, ce ne sont pas moins de 650 destinataires qui sont impliqués dans cette correspondance.
Habituellement, la correspondance d’un fonds d’archives offre une vue unilatérale de ces liens épistolaires. En effet, seules sont conservées les lettres reçues. Le fonds de Théo Kerg présente la particularité d’avoir conservé, en plus des lettres reçues par l’artiste, des copies de lettres qu’il a envoyées à ses correspondants. Ainsi, s’offre à nous une vue unique et beaucoup plus complète que celle trouvée dans d’autres fonds d’archives.

Abondance de correspondance et de photographies
Au fil de sa carrière, Théo Kerg a accumulé plus de 10.000 photographies. La plupart nous offre des vues d’oeuvres : tableaux, lithographies ou encore vitraux et sculptures sont illustrées dans cette immense compilation visuelle. Mais ces documents ne se limitent pas à montrer une oeuvre finie. En effet, nombreuses sont les photographies montrant Théo Kerg à l’oeuvre, tantôt peignant dans son atelier parisien, tantôt supervisant la mise en place d’un vitrail à l’emplacement qui lui est destiné. Les expositions de l’artiste sont également largement représentées. Ces images permettent de visiter à travers le temps et l’espace de nombreuses expositions d’oeuvres de Théo Kerg.
Le fonds contient également l’ensemble de la revue de presse collectée par l’artiste. Cette abondante documentation reprend les articles et ouvrages écrits par des critiques, des journalistes ou des chercheurs, ainsi que les publications auxquelles Théo Kerg a participé. En tout, la bibliothèque de l’artiste contient plus de 550 références auxquelles s’ajoutent quelque 247 dossiers d’articles de presse. Lorsque le fonds d’archives de Théo Kerg est arrivé au Lëtzebuerger Konschtarchiv, ces dossiers étaient dispersés dans plusieurs boîtes et classeurs en fonction de la typologie des documents. Un travail rigoureux a été fait par l’héritier du fonds pendant deux décennies. En effet, les photographies et vidéos étaient conservées dans des boîtes organisées par thème, la correspondance était classée par ordre alphabétique dans des classeurs, les affiches étaient stockées ensemble en raison de leur grande taille et les autres documents d’expositions (cartons d’invitation, listes d’oeuvres, dépliants...) étaient organisés dans des classeurs chronologiques.
L’équipe du Lëtzebuerger Konschtarchiv a entrepris un long travail pour traiter ces différents dossier, avec pour objectif de rassembler les différentes pièces du puzzle et reconnecter entre eux tous les éléments. Ainsi, l’inventaire final des archives de Théo Kerg offre au lecteur de pouvoir s’informer sur une thématique spécifique, telle que la création d’une oeuvre ou la mise en place d’une exposition, en ayant accès aux différentes pièces du dossier : photographies, documentation, affiches, vidéos, correspondance...

Plus de 400 expositions recensées
Le travail de fond fourni par l’équipe sur ces dossiers a notamment permis d’identifier de nombreuses expositions auxquelles a participé Théo Kerg et dont nous n’avions pas encore connaissance auparavant. Ainsi, plus de 400 expositions ont pu être répertoriées. Le résultat de ce travail minutieux est déjà accessible dans le dictionnaire des arts visuels luxembourgeois.
Le fonds de l’artiste Théo Kerg offre de nombreux témoignages de la genèse d’oeuvres, des plus petites aux plus grandes. Au milieu de ces milliers de pages et des centaines d’images, deux dossiers ont particulièrement attiré notre attention. Parmi les créations monumentales de l’artiste, sa participation à la construction de l’église du Saint-Esprit dans le quartier de Cents à Luxembourg est abondamment documentée par les archives. La conception des vitraux de l’édifice ainsi que de son autel avait été confiée à Théo Kerg. En tout, ce sont 310 pièces d’archives qui offrent des vues et des informations variées sur la construction du bâtiment. Des premiers plans à la célébration de l’inauguration, de nombreuses photographies, notes et vidéos illustrent la contribution de l’artiste à la décoration de l’église.

La recherche continue
Les archives contiennent également de nombreux dossiers documentant la collaboration de Théo Kerg avec d’autres artistes, parmi lesquels le poète grec Odysseas Elytis (1911-1996), lauréat du prix Nobel de littérature en 1979. Ce dossier retrace la création de leur oeuvre conjointe, des premières ébauches jusqu’au produit final, à savoir la publication de l’ouvrage 4 Gedichte in prosa neugriechisch und deutsch aus Tagebuch eines nie gesehenen April. On y trouve des notes, des lettres échangées entre leurs deux artistes, des ébauches de texte ainsi que deux exemplaires de l’ouvrage signés par les auteurs. Fait quelque peu hors du commun, le dossier offre également l’ensemble de la collection des plaques d’impression, véritables archives en trois dimensions, créées par Kerg pour les estampes illustrant l’ouvrage.
Le fonds a déjà été l’objet d’un important travail de recherche mené par le fils de l’artiste et donateur du fonds. Ce dernier a entrepris de travailler sur ces archives, classant et analysant les milliers de documents qui composent le fonds. Au terme de nombreuses années de recherche, il a ainsi pu publier plusieurs articles et livres sur la carrière de son père, dont la biographie parue en 2013, pour le 20e anniversaire de la mort du peintre : Théo Kerg, peintre, sculpteur, graveur, verrier d’art 1909-1993. Chronologie d’une vie et d’une oeuvre.
Comme l’illustre cet exemple, le fonds Théo Kerg est un ensemble d’archives propice à la recherche historique et scientifique. En effet, il offre une large variété de documents sur des sujets très divers autour de la carrière de l’artiste luxembourgeois et des milieux artistiques dans lesquels Kerg a évolué au fil de sa carrière, des années 30 jusqu’à son décès en 1993.
Texte: Camille Pierre - Images: Éric Chenal
Source: MuseoMag N° IV - 2025